Actualité : Portrait de Lucas Perruchon
« On a tout de suite eu cette préoccupation de la continuité pédagogique »
En plein confinement, comment s’organise Démos à la maison ? Rencontre avec Lucas Perruchon, référent pédagogique pour l’Orchestre Démos Grand Paris Grand Est.
Tromboniste, Lucas Perruchon a rejoint le projet Démos il y a 2 ans, en tant qu’intervenant instrumentiste au sein de l’orchestre avancé Démos – Conservatoires Paris. Depuis septembre, il occupe également la fonction de référent pédagogique pour l’Orchestre Démos Grand Paris Grand Est, qui a démarré sa 1ère année.
Son rôle ? « Je suis en quelque sorte chef d’équipe de la vingtaine d’intervenants musiciens (instrumentistes, cheffe d’orchestre, danseurs et chefs de chœur) qui travaillent avec moi sur l’orchestre. Je centralise d’une part toute les informations liées aux ateliers, en lien avec cette équipe. Et je construis aussi en amont, avec la cheffe d’orchestre Chloé Dufresne, le programme musical et pédagogique de l’année ». Un travail collectif qui permet d’installer progressivement l’identité de l’orchestre, avec les enfants, pour qu’ils la ressentent et prennent conscience du groupe en train de se construire.
Comme toutes les 1ères années Démos, les enfants ont commencé par un stage de rentrée pendant les vacances de la Toussaint, où la découverte de la musique s’est d’abord faite par le corps et la danse. « L’approche corporelle est très importante dans ma vision pédagogique de la musique : même quand j’enseigne le trombone, je fais beaucoup appel au corps, au ressenti, à la pulsation ». Puis en janvier est venu le moment de choisir et recevoir son instrument de musique. Depuis, l’orchestre s’est réuni une fois au complet lors d’un tutti, avant que les répétitions collectives ne soient totalement interrompues en raison du confinement. « C’est compliqué parce qu’on a commencé à installer des automatismes pour leur faire comprendre ce que c’est que de faire partie d’un orchestre, mais on n’a pas eu assez de temps. Ils ont une bonne sensation du petit groupe grâce aux ateliers par familles d’instruments, mais ils n’ont pas encore vraiment la dynamique du grand groupe d’orchestre ».
Malgré cela, la vie de l’orchestre continue et l’activité s’organise autrement. « On a tout de suite eu cette préoccupation de la continuité pédagogique. L’enjeu était d’installer un nouveau cadre de communication entre nous dans l’équipe, et de fournir rapidement aux enfants plusieurs types de vidéos – réalisées avec les moyens du bord et en fonction des difficultés de chacun – pour qu’ils puissent consolider ce qu’ils ont déjà appris. Toutes les forces vives de l’équipe Démos Grand Paris Grand Est (pédagogie, production, coordination, pôle social…) se sont mobilisées pour l’élaboration de ce projet. Je tiens à remercier tout particulièrement le département Education et Ressources de la Philharmonie de Paris pour le travail colossal que cela représente ! ». Cette mise en œuvre ne s’est pas faite sans l’aide des référents sociaux sur le territoire, en contact direct avec les familles pour leur transmettre les contenus, et plus tard recueillir leurs impressions.
Le challenge était de taille : « notre métier est d’être au contact des enfants, c’est comme ça qu’on arrive à avoir cette transmission, à sentir ce qui fonctionne ou pas… Là il nous est impossible d’avoir ce retour direct, même si on a une bonne idée de leurs besoins. Et il y a beaucoup d’incertitudes : est-ce qu’ils ont tous leurs instruments ? Ont-ils pu les accorder ? Ont-ils du temps et un espace pour s’entraîner ?... Mais on a quand même la satisfaction de constater que ce qu’on aurait cru impossible est en fait un modèle qui peut fonctionner temporairement, dans la forme et sur le fond ». Autre point positif : « ça a soudé encore un peu plus l’équipe, grâce à plus de communication et de concertation sur le contenu ».
Dans cette période particulière, la progression de l’enfant n’est pas tant un critère de succès, que le maintien du lien entre le projet Démos et les familles. « Ce qui compte, c’est que les enfants sentent qu’on ne les abandonne pas et continuent leur découverte. Rien que ça, ça va les stimuler à sortir leurs instruments, à en jouer de temps en temps, à écouter de la musique... Et pour nous, c’est déjà gagné ».
Difficile de prédire quand et comment l’activité en présentiel reprendra. En attendant : « La seule chose qu’on peut faire et qui peut nous rendre plus forts, c’est consolider les liens qui nous unissent en famille, garder une activité la plus joyeuse possible, et la musique peut aider ».